Une épave. C’est une véritable épave qu’a ramenée, le 30 janvier, au port de Saint-Guénolé (Finistère), le canot tous temps SNS 083 Prince d’Eckmühl. Tout commence à 11 h 39, lorsque le chalutier L’Enfant des Flots signale au centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage (CROSS) Corsen (Finistère) la présence d’un voilier démâté en baie d’Audierne, à 13,8 milles nautiques du sémaphore de Penmarc’h. Sans personne à bord, l’embarcation, en triste état, semble avoir passé beaucoup de temps en mer. Maigre indice : elle arbore le nom Heidi. Le CROSS Corsen déroute le patrouilleur hauturier Iris, en mission dans les environs, pour investigations. Il engage aussi le SNS 083 de la station de Saint-Guénolé – Penmarc’h afin de remorquer en lieu sûr l’épave, dangereuse pour la navigation. Parallèlement, il interroge les ports du secteur qu’aurait pu fréquenter ce voilier. Sans résultat. Car il vient, en fait, de très loin. L’Iris arrive sur les lieux à 13 heures, bientôt rejoint par le Prince d’Eckmühl. Le premier met une embarcation semi-rigide à l’eau pour inspecter l’épave. Ni substances illicites ni traces de migrants à bord. Seul indice pour identifier le Heidi, son numéro MMSI (maritime mobile service identity). Neuf chiffres propres à tout émetteur radio maritime numérique. L’Iris passe le relais à la SNSM pour la suite des opérations, après avoir assuré, avec son semi-rigide, le transbordement de deux sauveteurs sur le Heidi pour le remorquage.
1 700 kilomètres à la dérive
De leur côté, les personnels du CROSS Corsen poursuivent les investigations. En faisant des recherches via le numéro MMSI, ils entrent en contact avec leurs homologues norvégiens de Stavanger. Ces derniers les informent que le Heidi a fait l’objet d’une opération de sauvetage trois mois auparavant, le 2 novembre, par 46 degrés 56 minutes nord et 20 degrés 34 ouest. Soit en plein océan Atlantique, à plus de 1 800 kilomètres au sud de l’Islande et à plus de 1 700 kilomètres à l’ouest de la pointe sud de la Bretagne ! Le sauvetage de son unique occupant a été géré par le centre britannique de Falmouth, l’un des plus actifs au monde, dont la zone d’intervention couvre une bonne part de l’Atlantique nord. Une histoire incroyable. Pris dans la tempête Ciaran au milieu de nulle part, ce ketch de 14 mètres avait perdu ses deux mâts et prenait l’eau, hors de portée des hélicoptères. Le navire le plus proche, un pétrolier, était à vingt heures de route. Il avait dévié de son itinéraire pour sauver le navigateur, tandis que des avions s’étaient relayés pour qu’il garde le moral… et s’assurer qu’il était toujours à bord, car le risque pour qu’il soit projeté à la mer était réel. Le bateau, sans occupant, avait depuis dérivé jusqu’au large de la Bretagne.
« On a l’impression qu’il a été roulé par les vagues »
« Il faisait beau, mais nous ne savions pas vraiment ce que nous allions trouver. J’ai donc constitué un équipage très complet. En fait, nous avons remorqué le Heidi sans difficulté jusqu’à Saint-Guénolé, précise Christian Caoudal, patron du Prince d’Eckmühl. Nous avons alors mis le bateau en sécurité et, avec notre motopompe, vidé l’eau qu’il avait embarquée. Nous avons préféré le faire à terre plutôt qu’en mer car il n’y avait pas de danger imminent. » Que va devenir cette épave ? « Tout est à refaire, seule la coque a l’air d’être en état, note Christian Caoudal. Mais on a l’impression que le voilier a été roulé par les vagues. » De fait, même la timonerie semble être à reconstruire, certains de ses éléments étant déformés. Son propriétaire, qui a l’intention de venir voir le bateau, en décidera.
Nos sauveteurs sont formés et entraînés pour effectuer ce type de sauvetage. Grâce à votre soutien, vous les aidez à être présents la prochaine fois !